Entretien avec Amandine Renaud

Amandine Renaud, fondatrice de P-WAC, a pris un moment pour nous parler de son inspiration. Voyons ce qui motive cette primatologue passionnée et doctorante en anthropologie de la nature, qui consacre sa vie à la conservation des primates.

Que voulais-tu devenir quand tu étais enfant ?

J’ai toujours été attirée par le monde animal, et la forêt. Je me souviens que j’enguirlandais les voisins qui se pendaient aux branches des arbres de crainte que ce soit douloureux. J’ai voulu travailler avec les animaux, la nature, et je suis passée par plusieurs phases, mais une chose est sûre, il fallait que mon métier dépote, me passionne et soit en lien avec la préservation de la nature.

D’où te vient cette passion et comment as-tu commencé ta carrière dans la primatologie ?

D’après ma famille, il semble que mon envie de vivre en forêt avec des singes remonte à l’époque où j’ai vu le film « Gorilles dans la brume » sur la vie de Dian Fossey. Je devais avoir 7 ans. Mais je n’ai pas de souvenirs précis sur cet évènement qui m’aurait poussé à me dire « c’est ce que je veux faire ». N’ayant pas réussi à suivre des études scientifiques, je me suis orientée vers la finance, un domaine qui m’a appris énormément en termes de rigueur et budget. Cette étape de ma vie a été importante car grâce à ce travail j’ai pu financer mes voyages et plus tard mes études. C’est à 22 ans que j’ai mis le pied au pays des poilus comme je les appelle. Je suis partie en mission bénévole en Afrique, et là, je suis tombée amoureuse des chimpanzés. Ils m’ont tellement appris, pour ne pas dire tout, sur le monde des primates que j’ai su que ma carrière était auprès d’eux ! A ce retour de mission, j’ai repris mes études par correspondance tout en travaillant dans le monde de la finance, jusqu’à intégrer une prestigieuse université en Angleterre pour devenir Primatologue, (le diplôme de Primatologue n’existant pas en France).

Qu’est-ce qui t’inspire dans la primatologie, et à présent l’anthropologie de la nature ?

J’ai d’abord étudié la psychologie puis la primatologie. Ces deux domaines sont complémentaires car ne l’oublions pas, nous sommes des primates ! J’ai ensuite choisi de passer en anthropologie de la nature afin d’étudier les relations homme-faune sauvage, ce qui est nécessaire pour la mise en place des stratégies de préservation d’espèces menacées par l’homme. Ces trois disciplines sont interconnectées : on étudie l’homme, le singe, et leurs interactions pour mieux vivre en harmonie. La boucle est bouclée ! Malgré ce cursus universitaire, j’ai décidé de laisser la recherche de côté, et de me focaliser sur ce qui me tient vraiment à cœur : la protection in situ des primates et de leur habitat et des actions concrètes de préservation et de sauvegarde des chimpanzés, avec l’implication des communautés locales.

Un jour avec toi ?

Je n’ai pas de journée type, car en forêt, aucune journée ne se ressemble. Je peux observer les orphelins du site, intervenir en cas de maladie, aider le staff au suivi de faune sauvage, ou planter des arbres au camp, rencontrer les villageois pour travailler avec eux sur divers projets, tout comme je peux passer ma journée au bureau, à chercher des fonds pour pérenniser le projet, gérer les réseaux sociaux, rédiger des rapports, rechercher des partenaires… Je donne aussi des conférences tout public, ou des animations pour enfants. Enfin, je gère la logistique, les aléas du terrain, le staff local, etc.  

Quelle a été ton expérience préférée sur le terrain?  Le plus gros challenge ?

Mon plus gros challenge est de réussir mon objectif : rendre la liberté à nos orphelins. Et cela ne se fait pas en un jour… mais en plusieurs années. Il faut établir des partenariats avec les autorités, avec les villageois, réussir à les toucher, les sensibiliser, et les impliquer dans la protection des forêts qu’ils voient comme éternelles, tout en trouvant de l’argent pour y parvenir… Chaque journée est un challenge ! Bien évidemment, il y a des moments marquants et qui boostent en cas de difficultés. Comme le fait de voir des singes arrivés dans un état effroyables reprendre gout à la vie, intégrer le groupe de singes, et évoluer dans les arbres…

Pourquoi avoir choisi la République Démocratique du Congo ?

On trouve les chimpanzés sauvages dans 21 pays, et j’aurais pu m’installer n’importe où. Mais je ne me voyais pas m’installer dans un pays que je ne connaissais pas. J’avais déjà travaillé en République du Congo (Congo Brazzaville) puis en République Démocratique du Congo (Congo Kinshasa) où j’ai vécu une expérience magnifique avec les populations locales en vivant en pleine forêt tropicale pendant un an à observer les bonobos. C’est donc tout naturellement que j’ai posé mes valises en RDC.

Tentes (35)Quelles sont tes autres passions ?

La danse classique. Même au fin fond de la forêt je me fabrique ma barre de danse ! Des professeurs admirables m’ont donné cette passion en m’enseignant de tout leur amour une discipline bien difficile qui nécessite rigueur, investissement, don de soi et travail.

Si tu pouvais demander aux gens de faire quelque chose pour créer un monde, un avenir meilleur ?

J’aimerais que les gens arrêtent de DIRE qu’ils font quelque chose pour la planète, et au contraire les voir FAIRE quelque chose de concret. Nous sommes dans une société superficielle où l’apparence est reine… Arrêtons de penser à des solutions « potentiellement envisageables éventuellement » ou à des solutions qui n’ont pas de sens pour la planète. Choisissons des solutions durables ou l’écologie et la nature sont prises en compte. Nous ne sommes pas au-dessus de la nature : nous en faisons partie… A nous de revoir notre place dans ce monde et d’agir, avant qu’il ne soit trop tard, pour le préserver. Si plus de conservationnistes et de gouvernements agissaient réellement au lieu de se réunir pour réfléchir à de potentielles solutions applicables dans les 10, 20 ans à venir et si l’argent dépensé pour ces réunions était investi dans le terrain, alors la biodiversité aurait un avenir.

Comment aider l’association P-WAC ?

Pour soutenir P-WAC vous pouvez tout d’abord nous suivre sur la toile. En plus de ce site internet, nous avons une page Facebook et Instagram. J’ai également ma propre page ou je raconte mon quotidien en brousse. J’invite tout le monde à nous suivre et à inviter son réseau à en faire de même. Plus nous serons connus, plus nous aurons de poids dans nos actions. Pour aider financièrement P-WAC, plusieurs possibilités existent et sont reprises dans notre chapitre NOUS AIDER. Vous pouvez devenir adhérent de P-WAC et recevoir des nouvelles du terrain, faire un don ponctuel ou régulier afin d’aider nos missions de manière générale. Vous pouvez vous investir plus concrètement encore en devenant parrain ou marraine d’un singe ou d’un chimpanzé. Ce soutien mensuel permet l’achat de la nourriture des orphelins mais aussi des médicaments et une partie du salaire des soigneurs. En contrepartie vous recevez un dossier de votre filleul et des nouvelles de sa réhabilitation. Vous pouvez enfin nous aider à acheter des hectares de forêts et de savane et protéger ce qui reste des forêts du Congo ! Enfin nous avons une boutique où nous proposons divers articles à la vente. Il y en a pour toutes les bourses. Il n’y a pas de petit don : chaque geste compte !! Merci d’avance.

Albert Einstein a dit : « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire. » La plupart des gens sont au courant de ce qui se passe mais pensent ne rien pouvoir faire seul, ou attendre que les gouvernements bougent. Arrêtons de procrastiner et de dire que la souffrance des animaux nous est insupportable. Arrêtons de nous mentir et de prétendre que c’est d’abord aux autres de changer. Qui sont les autres ? Si nous nous unissons tous, nous saurons faire changer les choses.